Aubenas, Ardèche, la file d’attente des spectateurs s’allonge. Pour certains, le cinéma le Palace ne sera pas assez grand, ils ne pourront entrer et participer à cette soirée projection/débat du film Demain en présence du réalisateur Cyril Dion. Les trois salles du cinéma sont pleines : 426 entrées ! Dans la salle 1 où je me trouve, les gens patientent... Vu l’affluence le film va commencer en retard. Cyril Dion, accompagné d’Amalia Legros de Terre et Humanisme et de Jacques Daumas directeur du Cinéma Le Palace, présente le film dans les trois salles avant de faire débuter la projection.
Comme à chaque fois où Cyril Dion vient rencontrer le public, des associations sont là pour présenter des initiatives locales : Terre et Humanisme qui a sa ferme expérimentale à Lablachère (20 kms d’Aubenas), et la monnaie locale complémentaire de l’Ardéche : Les Lucioles. Des étudiants du lycée agricole Olivier de Serres en BTSA GPN (Gestion et Protection de la Nature) sont aussi présents. Ils préparent un marché de produits locaux qui aura lieu à Aubenas le 3 avril 2016.
Après le film un débat s’instaure ! Une des questions est sur le bilan carbone pour compenser la production de CO² durant la réalisation du film. Cyril Dion répond en informant que la production de CO² a été complètement compensée par la plantation d’arbres en agroforesterie via l’association Pur Projet. Ce bilan est même positif en comptant les 4800 arbres plantés par les KissKissBankers qui ont choisi ce cadeau. Puis sur le stand de la librairie Tiers Temps (Aubenas) Cyril Dion dédicace son livre « Demain un nouveau monde en marche » en prenant le temps de discuter avec chacun. Il est tard mais je vais pouvoir l’interviewer dès qu’il a fini de partager avec les uns et les autres.
Nathanaël : Bonjour Cyril, c’est la troisième fois que je vois le film Demain que vous avez réalisé avec Mélanie Laurent, et j’en éprouve toujours autant de plaisir. A la fin de votre film quelques images montrent un panel de toutes les solutions ou initiatives en cours autour du monde. Comment avez-vous choisi celles que vous montrez dans le film ?
Cyril Dion : En fait, j’en connaissais beaucoup parce que c’était mon métier. Je m’occupais de la direction du magazine Kaizen créé afin de montrer des initiatives positives qui participent à changer la société. Je m’occupe d’une collection de bouquins qui s’appelle « Domaine du possible » chez Actes Sud où c’est la même philosophie, donner la parole à des gens qui changent le monde. Puis j’avais créé [le mouvement] Colibris avec Pierre Rabhi. En fait mon problème c’était de choisir, en essayant de trouver des choses qui soient suffisamment grandes, suffisamment réussies et larges d’esprit pour convaincre les sceptiques.
C’est pour cela que nous sommes allés à Copenhague, San Francisco... On a voulu que ce soit des gens qui ressemblent à tout le monde, qui ne soient pas des marginaux... qu’on n’ait pas l’impression que cela ne concerne qu’une partie de la population. Et puis on a choisi des initiatives plutôt occidentales pour montrer que c’est l’Occident qui a exporté le modèle d’avant ; et qu’aujourd’hui c’est peut-être à l’Occident d’envoyer un signal au monde comme quoi il est déjà en train de changer de cap.
Nathanaël : Vous avez bâti ce film comme une histoire nous faisant découvrir ceux qui aujourd’hui agissent pour demain. Pourquoi avoir choisi de présenter ce documentaire comme un road movie ?
Cyril Dion : On a besoin de se raconter des histoires. Les histoires c’est ce qu’il y a de plus puissant pour essayer de changer notre imaginaire. On est construit comme cela ! Tous les humains racontent des histoires. C’est un livre de Nancy Huston « L’espèce fabulatrice » qui était à la base du film. Ce livre explique que les êtres humains sont construits de telle façon qu’ils passent leur temps à construire des récits et des fictions. Et c’est cela qui a le plus d’impact sur notre psyché.
Donc on voulait vraiment raconter des histoires et on voulait que ce ne soit pas seulement intéressant, que ce soit touchant, émouvant. Etymologiquement, l’émotion c’est ce qui nous meut, ce qui nous met en mouvement. Donc le fait d’allier une histoire avec une démarche esthétique, artistique, poétique, et en même du fond, on pensait que cela pouvait toucher plusieurs parties des personnes qui allaient voir le film.
Nathanaël : Plus de 400 000 entrées pour un film documentaire, 70 963 entrées et 10e au box-office en sixième semaine, une note de 4,8 donnée par les spectateurs sur Allociné... Vous attendiez-vous à cela ?
Cyril Dion : Non ! Non, on ne s’attendait pas du tout à ça. On espérait qu’il avait des gens intéressés puis on espérait sortir un peu du cercle des convaincus. Mais à ce point-là, non ! On est vraiment épatés et puis surtout ça ne baisse pas. Là on vient d’avoir les chiffres de cette semaine, on a fait presque 69 000 (ndlr : 7e semaine) Donc cela veut dire que le film se maintient et que la fréquentation est même en train d’augmenter. Donc c’est une sorte d’encouragement énorme à continuer, à diffuser ces messages-là. Cela veut dire qu’il y a plein de gens qui sont prêts et qu’on sous-estime le nombre de personnes que cela intéresse.
#Demainlefilm atteint 440 992 entrées. Toujours aussi fou et pas près de s’arrêter ! 345 copies cette semaine... pic.twitter.com/lbr21IKpLz
— Cyril Dion (@cdion) 21 Janvier 2016
Nathanaël : Aujourd’hui vous êtes à Aubenas en Ardèche, lundi vous étiez aux Vans, hier à Crest... Dès la sortie du film vous êtes allés à la rencontre des spectateurs et vous vous déplacez pour échanger avec le public. Pourquoi ?
Cyril Dion : C’est très important pour nous de faire ce film au cinéma. Le cinéma est un lieu de lien social où les gens peuvent se rencontrer, où ils peuvent échanger. Et donc, le fait d’organiser des soirées comme celle-là, c’est une façon de susciter du débat qui crée du lien entre les gens. De ce fait ils continuent à se parler après la séance, souvent ils montent des projets ensemble. Et c’est un des objectifs du film, de participer à cela. Donc le fait de l’accompagner, cela soutient toutes ses démarches.
Nathanaël : A la fin du film, les spectateurs n’ont pas envie de partir, applaudissent ou restent jusqu’à la fin du générique. Ils ont envie de voir encore d’autres initiatives aussi positives. Quelles suites pensez-vous donner au film Demain ?
Cyril Dion : On est en train d’essayer de monter une série à la télévision, en plusieurs épisodes où on pourrait mettre des choses qu’on n’a pas pu monter dans le film, et aller voir d’autres initiatives dans le monde. Et on a l’intention tous les deux, avec Mélanie [Laurent] de continuer de faire des films, et dans ces films de parler de ces sujets-là, à fois sous la forme de documentaires ou de fictions.
Après avoir remercié Cyril pour le temps qu’il m’a accordé et celui qu’il a donné aux spectateurs, en off nous avons continué à discuter. Lui donnant des informations sur ma chronique écrite sur la COP 21 « Et si nous étions ceux qui peuvent changer le monde demain » dans laquelle je parle de son film, il m’a partagé son étonnement : « On a beaucoup d’engouement des chrétiens pour ce film ».
Il y a 365 copies du film qui circulent et sont projetés dans autant de salles, donc il y a certainement un cinéma proche de chez vous où vous pouvez aller voir le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent. Au cinéma le Palace à Aubenas où était organisé cette soirée rencontre, il sera de nouveau à l’affiche au mois de février. Le film va être aussi diffusé à l’international, il vient de sortir en Belgique, en Suisse..., en Afrique du Nord (Algérie, Maroc, Tunisie) et d’autres pays suivront.
Nathanaël Bechdolff
Crédit photos : Nathanaël Bechdolff sauf couverture via le Film Demain
Remerciements : La rédaction d’Info Chrétienne et Nathanaël Bechdolff remercient la monnaie locale complémentaire Les Lucioles, Jacques Daumas directeur du Cinéma le Palace (Aubenas), et Nelly Pons organisatrice de la soirée d’avoir rendu possible cet interview.
Le livre de Cyril Dion « Demain, un nouveau monde en marche »